jeudi 17 octobre 2013

Grandir, et vivre la tête haute


 J'ai grandi au sein d'une famille monoparentale. Une mère, seule, avec ses 2 enfants. Sans pension alimentaire, sans diplôme.

Et elle en a chié, et on en a chié. Et c'était pas la crise. Et tout était trop cher, déjà....

Nos habits c'étaient de la récup', des copines de ma mère.

Aux courses, on comptait chaque centime. La calculatrice dans une main, la liste des couses, qu'on barrait au fur et à mesure bien consciensieusement dans l'autre.

Les débuts de mois, c'était un peu plus la fête, wahou, on s'achetait des Mars, ou des Raider (Twix pour les moins de 20 ans qui ne peuvent pas connaître).

Vous voulez des recettes de pâtes ? Pâtes en salade, pâtes au beurre (margarine faut pas déconner), pâtes à la sauce tomates, gratin de pâtes (avec un oeuf dessus ♥)...

Les rentrées scolaire, c'était la misère... "Racontez nous en quelques lignes vos vacances d'été".

^^ Ouais, dans "quelques lignes", est-ce qu'on peut comprendre 1 ou 2 ?

On avait rien à raconter. On allait même pas à la piscine, et raconter tes sorties au parc du village, à moins d'être Zola, Maupassant ou Jules Verne, tu vas pas réussir à y rendre bien transcendant.

On a grandit, bien en plus, en bonne santé, heureux de vivre, fort, humble, courageux mon frère et moi. Quand on apprend à se serrer la ceinture, on apprend aussi à se serrer les coudes. Ca va avec, c'est comme ça.

On a volé de la bouffe avec mon frère , ouais, ça c'est le côté moins glorieux, à moins qu'on est le culot de parler de Robin des Bois, j'oserai bien moi, je vous le jure, je sais pas si ça se fait par contre, comme ça en public...

On a fait des études, je me souviens de ces déjeuners, où je ne mangeais pas, par manque de fric. Et ces péta**es qui rigolaient "avec H c'est ramadan tous les jours"...

J'ai gardé la tête haute TOUJOURS. De toutes façons, je préférais ça à la pitié. J'ai une dignité, sans faille.

A tel point que je me suis présentée à chaque fois comme déléguée de classes, pour me battre pour les gens "comme moi", pour qu'on puisse avoir l'autorisation de bouffer un sandwich de chez nous dans les locaux du lycée, quand il fait froid, pour ceux, "comme moi", qui ne pouvaient ni se payer la cantine, ni se payer Mc Do.

J'ai été élue, j'ai eu gain de cause.
J'ai toujours été la 1ère de ma classe, toujours, sauf une fois la 2ème. Bordel, j'ai détesté ça.

J'ai eu le bac, avec mention, sans rien foutre car je suis un peu feignasse quand même...

J'ai obtenu un diplôme, en faisant un emprunt à la banque pour payer ma formation. Dans le social, of course. Je ne me vois pas faire autre chose qu'aider l'Autre... résilience, réparation, j'en sais rien, j'aime l'Humain.

Voilà grosso modo ma petite vie. Pourquoi tout ça ?

Aujourd'hui, on est la journée mondiale du refus de la misère, ça colle bien, c'est presque un hasard pourtant, j'y pense depuis hier à cet article.

Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que depuis quelques temps je rencontre des Femmes, avec un "F" géant. Des amies IRL, et """virtuelles""", des winneuses, des battantes...

Des "comme moi"... des mères qui se débrouillent, comme l'a fait ma mère, comme je le fais encore moi.

Merci les vide-greniers, merci Emmaus, merci la transmission des recettes de pâtes.

Et je nous sens fortes, vous êtes fortes, vous êtes dignes, et on transmet, même si c'est un travail d'acharnées, à nos gosses bien plus que de "l'avoir", on leur transmet "la tête haute", et le goût de la lutte... le goût des Autres.

H
 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire